La mort du clivage gauche-droite ?

Apparu à l’aube de la démocratie durant la Révolution française, le clivage gauche-droite est la séparation des positionnements politiques en deux camps principaux. D’un côté ceux qui se positionnent à gauche et désirent un faible contrôle de l’Etat sur les modes de vie des individus et un fort contrôle de l’Etat sur l’économie, et de l’autre ceux qui se situent à droite et prônent l’ordre et le contrôle étatique des mœurs et souhaitent une faible intervention des pouvoirs publics sur le fonctionnement de l’économie. Pourtant, actuellement, ce clivage gauche-droite ne semble être que l’ombre de lui-même et nombreux sont ceux qui s’interrogent sur sa pertinence.

Quand on interroge les français, nombreux sont ceux qui considèrent que ce clivage n’a plus de signification : en effet, dans un sondage réalisé au cours de la présidentielle en 2012, deux tiers des interrogés déclarent que l’axe droite-gauche ne veut plus rien dire. Ce flou est en partie causé par le fait que des gouvernements de droite puissent entreprendre un programme économique interventionniste, comme ce fut le cas du plan de relance sous Nicolas Sarkozy, ou l’inverse comme c’est le cas avec les mesures de rigueur budgétaire conduites par François Hollande. En outre, la confusion peut régner lorsqu’une personnalité conservatrice, à l’instar de la chancelière allemande Angela Merkel, prend la décision d’une politique migratoire humaniste alors qu’au même moment Manuel Valls, personnalité de la gauche française, s’y oppose.

D’autre part, de nombreux sujets importants du débat public viennent effacer la frontière du clivage gauche-droite, comme c’est le cas par exemple des droits de l’homme ou encore de la défense des valeurs républicaines sur lesquelles les deux camps sont en accord ce qui les rend encore moins différenciables. Enfin, on observe en France que des partis que tout oppose peuvent néanmoins se rejoindre sur certains constats comme c’est le cas du Front National et du Front de Gauche qui désirent tous deux sortir de l’Union Européenne. Même si les motivations conduisant ces partis à prôner cette solution peuvent être différentes, cela ne clarifie pas leur ligne politique suivie aux yeux des citoyens.

Pourtant, ce clivage reste ancré dans la mentalité des français et reste un pilier majeur de la politique française. Ainsi, parmi les mêmes français précédemment interrogés et visiblement sceptiques face à l’existence du clivage gauche-droite, une vaste majorité (94%) parvient à se situer à droite ou à gauche. En effet, depuis le 18ème siècle, le paysage politique français est solidement structuré autour de ce clivage et le positionnement des partis politiques sur l’axe droite-gauche a toujours été primordial pour permettre d’être accessible aux électeurs. Cette séparation en deux camps permet aux citoyens d’avoir une représentation simplifiée de la politique, de connaître les grandes lignes des engagements de chaque parti, ce qui contribue à la politisation des citoyens. C’est pour cela que les personnalités politiques déclarent ouvertement leur positionnement par rapport au clivage gauche-droite, car c’est le meilleur moyen d’être visible et d’attirer l’électorat.

De plus, malgré certaines exceptions, on peut noter que les partis politiques sont fidèles aux valeurs attenantes à la droite ou à la gauche : sur les sujets de société, les électeurs de gauche apparaissent plus ouverts à la liberté individuelle comme ce fut le cas lors de l’adoption du « mariage pour tous », tandis que sur les sujets économiques les hommes politiques de droite se montrent plus adeptes du libéralisme économique comme le montre la « surenchère libérale » des candidats à la primaire des républicains au sujet de la réglementation du travail.

Au final, le clivage gauche-droite a su perdurer au fil du temps malgré de nombreuses critiques parfois légitimes à son égard. Tandis que certains voudraient clamer la fin d’un système dépassé, la réalité montre la persistance de ce clivage dans les mentalités des citoyens français qui y font appel afin de se repérer au sein du paysage politique.